La vie mouvementée de Louise Jeanne Caroline Illaire




Louise Jeanne Caroline Illaire est née le 14 juillet 1800 au hameau du Mas Bernard dans la commune cévenole de Saint-André de Valborgne. Ce petit hameau part des bords du Gardon et s’enfonce dans la forêt au pied du Col de Tinquos. C’est là que les parents de Louis, Augustin Illaire et Louise Delon travaillent comme ouvriers agricoles. 

C’est une famille protestante relativement pauvre qui n’a pas d’ancrage au Mas Bernard. En effet Augustin est né dans la commune du Pompidou, côté Lozère, distante d’une dizaine de kilomètres de Saint-André. Ses parents, Henri Illaire, peigneur de laine, et Louise Tardres, y vivent toujours au moment de la naissance de leur petite fille.

En 1802, la famille accueille un petit frère, nommé Augustin, comme son père. Louise a deux ans et les Illaire sont toujours au Mas Bernard.

Signature d'Augustin Illaire lors de son mariage avec Louise Delon en 1799


En 1803 tout bascule. Henri Illaire, le père d’Augustin Illaire et donc grand-père de Louise décède. Augustin étant le fils aîné, il doit repartir au Pompidou pour aider sa mère, Louise Tardres, désormais veuve. La petite famille débarque donc au hameau du Duc, fief des Tardres, où vivent Louise Tardres, sa fille aînée Marie, et le mari de celle-ci, un cultivateur. Avec eux vit aussi Louise, une autre sœur d’Augustin, qui ne s’est jamais mariée, sans doute parce que sept ans auparavant elle a eu un enfant hors mariage avec un agriculteur voisin qui l’a laissée tomber.

La vie au Pompidou est encore plus rude qu’à Saint-André. La petite Louise ne reçoit visiblement aucune instruction et elle restera toute sa vie illettrée.

En 1806 le petit frère de Louise, Augustin, meurt à l’âge de 4 ans. Puis c’est Louise Delon, la mère, qui décède en 1811 à l’âge de 40 ans. En 1819 enfin, le père, Augustin Illaire, trépasse à son tour à 51 ans. Louis Jeanne Caroline Illaire est orpheline. Elle a 19 ans et devient bientôt une charge pour sa tante et son oncle qui gèrent la maison et qui doivent déjà assumer la grand-mère Louise Tardres, qui, à presque 80 ans, ne peut plus travailler.

Alors au début des années 1820 Louise trouve une place de domestique au château de la Mothe dans la commune voisine de Sainte-Croix Vallée Française. Le château appartient à la famille de Graverol dont est issu le maire de Sainte-Croix. La paye n’est pas énorme mais cela lui permettra de se constituer une petite dot en prévision d’un prochain mariage. En effet, orpheline et sans argent, Louise n’a pour l’instant aucune chance de trouver un mari.

Château de la Mothe, vu de la route.


Seulement une domestique est une proie facile. En 1821, peu après son arrivée au château, Louise se retrouve enceinte. Elle réussit néanmoins à se fiancer avec un autre domestique. Il s’appelle Jacques Vacher et il a le double de l’âge de Louise. Les bans sont publiés alors que Louise est enceinte de cinq mois. Seulement, le mariage n’a pas lieu. Jacques Vacher fait faux bond à sa promise et l’abandonne quelques jours avant le mariage. Louise est probablement renvoyée du château en raison de sa grossesse illégitime. Elle retourne au Pompidou et c’est donc seule que Louise accouche d’une petite Marie Illaire le 31 décembre 1821. Comme beaucoup d’enfants naturels la petite ne vit que quelques jours et s’éteint le 9 janvier. Une semaine plus tard, Louise Tardres, la grand-mère de Louise, décède au hameau du Duc.
On ne sait pas ce que fait Louise pendant les années qui suivent mais en 1825, elle donne naissance une fois de plus à un enfant sans père. C’est un petit garçon prénommé Louis Auguste et qui ne vit également que quelques jours. C’est est trop pour l’oncle et la tante de Louise qui la somment de partir.

C'est alors qu'elle trouve une place chez un serrurier de Sainte-Croix,, Maurice Berthézène. Il a 41 ans et est veuf depuis peu avec, à sa charge, un petit garçon de 3 ans prénommé lui aussi Maurice. Il engage Louise comme domestique et elle s'occupe également du petit Maurice qui n'a plus sa mère.

Louise Illaire n'était peut-être pas très instruite mais elle était sans doute très belle. En effet le maître ne reste pas insensible longtemps à sa jeune servante et Louise retombe enceinte peu de temps après son arrivée chez Maurice Berthézène. Cependant, Maurice va totalement assumer cet enfant et c'est donc naturellement qu'il reconnaît officiellement la petite Louise Sophie Berthézène qui naît en juin 1830. Un concubinage assez étrange s'installe alors entre le serrurier et sa domestique et bien entendu, au début de l'année 1831, Louise est à nouveau enceinte. Sainte-Croix est un petit village où la morale calviniste est très forte et les ragots vont bon train. Maurice décide alors de régulariser la situation et cette fois, Louise parvient à se faire épouser. Une petite fille nommée elle aussi Louise Sophie naît six mois plus tard.


Signature de Maurice Berthézène lors de son mariage avec Louise Illaire


Trois autres enfants vont venir conforter cette union. Mon arrière-arrière-arrière grand-mère Fanny en 1833, Adèle en 1836 et Eugène en 1841. L'ancienne servante, désormais femme mariée, devient aubergiste à la fin de sa vie. Elle a le malheur de perdre Adèle en 1851 mais le bonheur de marier ses autres filles qui ne connaîtront pas le même début de vie mouvementé que leur mère.

Maurice Berthézène s’éteint au début de l’année 1863 à l’âge vénérable de 77 ans. Louise lui survit trois ans et décède le 28 février 1866, dans l’après-midi, à Sainte-Croix, entourée de ses enfants, de ses petits-enfants (parmi lesquels mon arrière-arrière grand-père Louis Dupont) et de son beau-fils Maurice, qu’elle a élevé comme s’il était à elle et qui déclare le décès. 

Quelques années plus tard, toute la fratrie s'établira à Nîmes sauf Louise Sophie, la deuxième fille de Maurice et Louise qui vivait à Alès où elle tenait une auberge avec son mari.


Arbre descendant de Maurice Berthézène




Bien sûr il existe des zones d'ombre sur la vie de Louise Caroline Illaire. D'abord il y a le mystère du père de son premier enfant. Était-ce Jacques Vacher ? Ce dernier était-il seulement au courant de la grossesse de sa fiancée et a-t-il fui lorsqu'il a appris la vérité ? A-t-on voulu lui faire endosser la responsabilité d'un autre ? On ne le saura jamais. C'est la même chose pour le second enfant naturel de Louise. Dans ce cas là on a aucun indice sur l'identité du père.

Et puis, il y a cette relation avec son futur époux. Ce retournement de situation incroyable qui fait que Louise va devenir l'épouse de Maurice Berthézène alors qu'il aurait pu simplement profiter d'elle et la chasser de chez lui une fois enceinte. Pourquoi d'ailleurs ne s'était-il pas déjà remarié car il avait quand même à charge un jeune enfant ? En réalité les deux ont trouvé leur compte dans cette union. Maurice était déjà un vieux garçon avant son premier mariage, il avait déjà eu, pour une raison inconnue, probablement du mal à trouver une première épouse et Louise ne pouvait pas refuser ce mariage. De son côté Louise trouvait dans cette union une stabilité inespérée et une situation bien plus confortable socialement et financièrement que ce que sa vie passée lui promettait. Elle était de plus coincée par les grossesses qui suivent le début de sa vie chez son patron. 
Il existe peu de sources sur la vie de Louise Illaire. Comme beaucoup d'autres "invisibles", elle a laissé peu de traces écrites mais on peut imaginer aisément sa vie à travers la lecture des actes qui la concernent, et cette vie fut sans nul doute pleines de surprises !



Quelques sources :
Archives départementales de la Lozère : registres communaux du Pompidou et de Sainte-Croix-Vallée Française.
Archives départementales du Gard : registres communaux de Saint-André de Valborgne.

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